Une édition placée sous le signe de l’identité recomposée, avec Delphine Perlstein, Leodolf Nel, Barbara Asei Dantoni et Hamid Fakhoury. Et largement tournée vers l’Afrique.
Au printemps 2023 s’est déroulée la 11ème édition du sélectif et pointu DDessin, dirigé de main de maître par Eve de Medeiros. Habituée du premier arrondissement, elle a installé son salon et ses fidèles, cette année, dans un nouveau lieu, le Domus Maubourg, splendide et intimiste Hôtel particulier haussmannien idéalement situé à deux pas des Invalides. Une chance pour la Galerie, venue de l’autre côté du Champ de Mars…
Le salon, pionnier dans la découverte des talents africains et de la diaspora, a mis l’emphase dès l’entrée, avec la galerie Cécile Dufay, sur la création africaine contemporaine. Trois des quatre artistes présents représentaient le continent.
Eve de Medeiros et Cécile Dufay ont en commun des liens forts et intimes avec l’Afrique et une passion pour l’Art vivant de ce continent, désormais incontournable centre du nouvel art contemporain. A date, la Galerie compte une dizaine d’artistes africains, et parie sur leur mise en valeur, lors d’événements spécialisés, comme l’an dernier lors de l’Akaa, ou tout simplement sur les foires et salons généralistes.
Mais la sélection de la galerie, au-delà de la question des origines, portait sur le sujet des identités complexes, réinventées, enrichies, réinterprétées, qui concerne la majorité des êtres humains aujourd’hui, et bien entendu devient le sujet de beaucoup d’artistes.
Delphine Perlstein peint des scènes de genre résolument rock’n’roll, tout droit sorties des années 80 et de leur énergie sans limites et sans interdits. Ces acryliques sur papier forment son “journal de princesse rêvée”. Son double “branché” comme on disait à l’époque (oui, les ados, c’étaient les pré-stylés) reprend les grands attendus de la vie des people d’autrefois; un passé si loin si proche, celui d’une jeunesse qui ne passe pas, bien entendu. Sur des fonds flashy, rose, orange, bleu, apparaissent des concentrés d’images de magazines, de photos de paparazzi, de publicité et de choses vécues. Brossés à grands traits presque rageurs, et c’est normal : peu ont eu le privilège d’accéder à leurs rêves dès la jeunesse. Et encore moins ne de plus les quitter. Le paradoxe de Delphine Perlstein, c’est qu’elle était et est restée un peu dedans, un peu dehors. Son rêve à elle est une sublimation de la réalité, bien loin des fausses vies d’Instagram. Ce n’est pas un hasard si sa principale galerie, à date, est New-yorkaise. La RedFox Gallery la promeut avec succès, et désormais, la ligne Paris – NYC est bien dessinée. Le dessin est aussi un destin.

Leodolf Nel est Sud-Africain. Blanc d’Afrique, il travaille sur papier blanc de grands portraits et bustes noirs, au fusain. Les traits sont brouillés, apparaissant et disparaissant dans le même mouvement. Les yeux, souvent, sont juste esquissés. Mais la magie de leur intensité rappelle les masques, la magie, la force et la vitalité propres au continent Noir.
En réalité ce sont des visages mixés, superposés, fondus-enchaînés, mêlant les traits de personnes blanches ou noires, manière explicite et efficace de démontrer l’inanité des différences raciales.
Ils sont là, ou pas tout à fait. On peut supposer que cette superposition fait ressurgir aussi les traces des êtres disparus, présences ancestrales enfouies dans nos gênes, proches éloignés provisoirement – ou définitivement – mais infiniment présents en nous. Le dessin au fusain de Leodolf Nel ressemble à un rituel. Vaudou, un peu, c’est certain.

Enfin, la Galerie présentait deux artistes désormais habitués des foires :
Barbara Asei Dantoni, qui réinterprète sur la base de son identité multi cuturelle de camerouno-franco-italienne, et de sa fascination pour la Nature et le Féminin sacré, les masques-passeports de ses ancêtres Camerounais; et avait été présentée lors de l’Akaa 2022 au Carreau du Temple à Paris en solo show avec un éclatant succès,

et Hamid Fakhoury, artiste permanent de la Galerie, qui eut le privilège de pouvoir présenter Tanger sur DDessin, son bronze noir évocateur des esclavages, emporté par une collectionneuse chevronnée du Salon.

Bref, une belle édition, un peu perturbée par les mouvements sociaux, mais très réussie malgré tout. Et de belles ventes et rencontres. Merci Eve.

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