Traversées Africaines, sous l’égide de l’association Pour l’Art pour l’Afrique, propose en mai un parcours parmi les lieux emblématiques de la monstration, dans Paris, de l’art africain contemporain.

La Galerie Cécile Dufay participe à cette 3ème édition, du 11 au 31 mai, et mettra à l’honneur le travail de Dalila Alaoui, Barbara Asei Dantoni et Laïla Bourebrab : une sélection orientée sur les oeuvres sur papier.
VERNISSAGE LE JEUDI 11 MAI DE 18H à 21H
Cécile Dufay choisit de présenter une “Traversée de papier”.
Ces papiers si follement importants, attendus, espérés, revendiqués, conspués.
Ces traversées, pleines d’espérances, d’angoisses, de renouveau, de drame souvent; de libération parfois.
Ces passages qui paraissent une montagne, et qui séparent les hommes d’une nouvelle vie, frontière trop concrète et si factice, de l’épaisseur d’une feuille de papier.
Trois femmes représenteront le continent pour cette exposition :
Laïla Bourebrab, venue d’Algérie, pour qui le papier est le medium principal de ses tentatives de remonter le cours du temps, de retisser le lien avec les racines, avec la vérité des êtres, avec les sentiments les plus profonds et inavouables.
De faire des bribes de souvenirs familiaux des matériaux de construction, bancals, partiels, mais précieux, infiniment. Le papier devient l’expression d’une recherche d’identité secrète, la seule qui soit précieuse, celle que les esprits bricolent avec les âmes, les mânes, les espoirs trahis et les victoires chèrement arrachées.
Surtout, ne pas figer cette identité dans le marbre. Lui laisser la possibilité d’évoluer, par couches successives, collages, recompositions, mélanges de matières et accumulations. Qu’est-ce, le socle fondamental ? La maison perdue ou la maison trouvée ? La noirceur des déceptions ou l’éclat des joies nouvelles ?
Le lien à la terre, au ciel, aux ancêtres, ou à ce qui émergera de soi, des enfants plantés là ou des proches laissés derrière soi ? Peut-on atteindre la lumière si l’on est pas passé dans l’ombre ? La beauté est une réponse possible, la fragilité et la fluidité des destins, aussi.
Laïla Bourebrab (@lailabourebrab) | Instagram

Dalila Alaoui est Marocaine. Avant tout, et Française, après tout. Eduquée au Maroc, elle fit sa vie de femme et d’artiste en France, avec des allers-retours constants. Elle aussi déteste figer les choses.
Le medium du papier, sa légèreté, sa fragilité et sa grâce lui permettent de composer dans l’espace, souvent avec le concours d’oeuvres sur tissus, des saynètes poétiques, évanescentes, harmonieuses et délicates, qui invitent à l’approche par leur douceur et frappent ensuite par leur menace ambigüe.
Voilement, dévoilement, pudeur, impudeur, douceur et provocation, retournements symboliques, réinterprétation des exotismes et des symboliques de genre : le tout dans un non-dit, une suggestion, un refus du transparent et de l’interprétable, de l’expliqué et du simple.
Avec Dalila Alaoui, le sens de l’intimité reprend vie, comme espace clos protégeant l’impudeur. La notion de marocanité est interrogée dans le vécu des femmes, leur séduction suave et vénéneuse, leur sacrifice consenti mais méconnu, leur intériorisation muette des violences et leur sublimation.
Les cavalières, les mariées, les nudités, les accueillantes au regard voilé : mélange de révolte secrète et de refuge dans la magie d’une vie immuablement belle et rude, traditionnelle jusque dans la modernité. Vie parallèle des femmes, infiniment précieuse, parce qu’absolument privée.
Dalila Alaoui (@dalila.alaoui3) | Instagram

Barbara Asei Dantoni a une mère camerounaise et un père italien. Française de naissance, elle vit avec cette triple appartenance une belle histoire d’amour. Chez elle, la force du féminin sacré, son lien à la Nature profonde, génère une énergie vitale capable de tout relier.
Les identités multiples. La terre et le ciel. Les ancêtres et l’avenir. Cette magie s’opère en couleurs, sous les formes symboliques de la féminité, de l’africanité, des références culturelles entièrement réinterprétées, allégées, poussées à leur expression la plus dense et simplifiée. Ors et cuirs de l’Italie. Signes et indigos des tissus Bamiléké.
Elle tisse ces éléments pour leur donner une puissance harmonique nouvelle. Celle de la joie assumée des mélanges, qui ne sont pas des renoncements. Barbara Asei Dantoni a été présentée l’an passé à l’AKAA en solo show par la Galerie Cécile Dufay : l’engouement des collectionneurs et du public ne mentait pas.
Elle apporte une tonalité nouvelle au métissage général de la société : la joie des commencements. Prendre le meilleur, construire une beauté véritablement originale, jouer avec tout – sans pathos, parce que toutes les origines et les cultures sont également admirables. Et parce qu’une identité multiple est le lot général de l’humanité, une construction de chaque jour avec les legs du passé.
Nous venons tous de loin.
Barbara Asei Dantoni (@barbara.aseidantoni) | Instagram

Ces oeuvres de papier seront accompagnées des derniers Bustes d’argile blanche d’Hamid Fakhoury, sculpteur et peintre Marocain et Français. Ode brutaliste et hommage spirituel à la magie fascinante des gardiens protecteurs de l’Afrique, incarnation virile de sa beauté intrinsèque, elle évoque la naissance d’Adam, puissance du Même toujours renouvelée.
Ces colosses miniatures sont également la vivante image du poids inéquitable de l’Afrique dans le monde.
Leur feront face les Dames de Tayeb Belbachir, Algérien de l’Atlas et Français du Nord, issu d’une famille de bûcherons, amoureux du bois au point de lui avoir consacré sa vie – il était paysagiste. Durant ses travaux dans les jardins, il a collecté de belles essences – des grumes de vieux arbres décoratifs, âgés de 30 à 200 ans. Séchés ensuite dans sa réserve, il en tire aujourd’hui de graciles et sensuelles silhouettes de femmes, épousant à merveille les nervures et les couleurs de ces bois, étonnantes formes simplifiées, odes à la féminité et à la beauté de la nature.
Cette nature capable de créer une palette immense de couleurs au sein du vivant : Dames ocres, blanches, jaunes, roses, brunes, caramel, beiges, elles semblent danser dans la lumière, ivres de vie et de joie sereine. Tayeb Belbachir a eu le privilège de recueillir récemment le corps taillé d’un chêne vieux de 800 ans; et il a fait grandir ses Dames, jusqu’ici limitées à une taille d’environ 30 cm, à de Grandes Dames atteignant les 70 cm de hauteur. Hommage muet à l’art des femmes qui l’entourent.
Je remercie Grigori Michel, qui dirige l’évènement dans Paris, pour cette visibilité privilégiée.
Culture africaine: les rendez-vous en mai 2023 (rfi.fr)

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