Du 30 mars au 29 avril 2023, FINISSAGE le jeudi 27 avril de 18h30 à 20h30
Trio Show Virginie Pain Duflo, Caroline Champetier de Ribes et José d’Ornano
Il y a des expositions que l’on a surtout pas envie de quitter. Qui reflètent exactement l’état d’esprit du moment, le besoin de saison. C’est indéniablement le cas de RIVAGES. Doux, serein, lumineux et intérieur, poétique et intemporel, cet accrochage accompagne les subtilités du printemps renaissant à merveille.
Ce trio show a été construit autour du travail de Virginie Pain Duflo. Cette peintre obsessionnelle de la mer a beaucoup fréquenté d’Ile d’Yeu. Mais elle travaille depuis les Yvelines, où elle vit. Ce ne sont pas des paysages réels, plutôt des souvenirs de sensations éprouvées face aux forces telluriques regroupées du ciel, de la terre, de la mer et de la lumière. Les navigateurs autant que les rêveurs s’y retrouveront. En réalité, c’est une ode à l’océan, mais ce ne sont pas des marines.
Plutôt un travail sur le motif, inlassablement repris, réinventé, approfondi. La ligne de jonction entre la mer et le ciel est le sujet principal, souvent. Ainsi que le mystère du passage d’un état à l’autre, liquide, solide, aérien.
Chaque toile porte la même écriture délicate, aux passages de tons subtils, mais la touche, la transparence, la lumière, la palette changent constamment. L’esprit des eaux, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, est ainsi respecté dans sa fluidité.
Parfois, on se trouve face à des lignes si pures qu’elles évoquent l’Asie, la touche est légère, la couleur transparente comme une gouache. Parfois au contraire, la toile irradie de cette lumière absolue des bords de mer, comme une huile dense, fondue, lissée.
Pourtant, ce sont des acryliques sur toile, qui rendent compte du caractère changeant et de la beauté toujours fugace des incroyables tonalités maritimes. Et évoquent, également, la sensibilité aigüe et à fleur … d’eau de l’artiste.
Ce sont d’autres Rivages qui occupent l’esprit des modèles de Caroline Champetier de Ribes. Ses bustes recueillis plongent à l’intérieur d’eux-mêmes, se laissant flotter au gré de leurs états d’âme. Ils sont méditatifs, le regard absent, et la finesse de leurs traits comme la justesse de leurs attitudes laissent transparaître, souvent, les cicatrices, le modelé du temps, sa rugosité.
En argile ou en bronze pour cette exposition, ils incarnent l’exact contraire des bustes des siècles passés, glorieux, personnalisés et tournés vers la postérité. Ces bustes sont dans la symbolique, l’universalité, classiques dans leur facture, intemporels, mais dépersonnalisés, loin de l’individualisme rayonnant. Comme les bustes anciens ils aspirent à l’immortalité, mais vraiment différemment : par le retrait dans un monde éternel dont nous portons la trace ou la nostalgie, que nous cherchons via la spiritualité, la prière ou la méditation, le retrait du monde dans nos pensées ou … La natation, que l’artiste pratique avec passion.
D’un des bustes porte clairement une coiffe qui pourrait bien être un bonnet de bain. Et ce bain-là est aussi celui de la vie avant la naissance, et de la plongée dans les eaux de la fin de la vie, l’imaginaire fluide et en écoulement permanent de l’Univers. Un autre Styx, que les bustes de Caroline Champetier de Ribes semblent déjà contempler, avec concentration, sérénité et abandon. Alea jacta est.

José d’Ornano est venu enrichir ces travaux de peinture et de sculpture via ses paysages miniatures, au pastel, à l’encre ou à la gouache. Ces petites fenêtres d’une incroyable finesse, vibrantes de vie, contredisent avec brio le propos de Proust – que l’artiste vénère pourtant. Il ne s’agit pas pour José d’Ornano, peintre mais également auteur et poète, de retrouver un temps supposément perdu, mais de savoir regarder les instants de vie d’une particulière densité qui n’ont jamais disparu.
Comme si leur énergie, leur beauté, leur immensité s’éloignaient, certes, mais avec la même grâce et la même quasi-permanence que la lumière des étoiles, qui rend compte de la disparition ou plutôt de la transsubstantiation des planètes disparues.
José d’Ornano vit dans un monde que d’aucuns pourraient considérer comme parallèle, mais qui est le vrai monde augmenté. La sensibilité de l’artiste lui permet de ressentir avec acuité les vibrations infinies du passé ; il déclare avec humour : « J’aime aller de l’avant. Mais en faisant régulièrement quelques pas en arrière ».
Cher d’Ornano, pour qui l’espace est véritablement lié au temps, et l’infiniment grand à l’infiniment petit. Ses paysages minuscules recèlent tant de secrets intimes, tant de grâce, de découvertes, de rencontres. Beaucoup y voient la même vérité nébuleuse et légèrement troublée que les premières photographies offraient à voir, avec la même étonnante transparence que les daguerréotypes.
Quant aux encres, si cinématographiques, elles évoquent ces premiers pas du 7ème art, lorsque la lanterne magique faisait tourner des photos noir et blanc, mimant des flashs, saccadés comme des clignements d’yeux.
Avec une prédilection pour les paysages immenses de la mer ou de la lande, autre mer végétale, ces highlands plats comme une fin du monde, si éloignés de sa Corse ancestrale. Turner et Perrault ne sont pas loin pourtant, chassant les fantômes et les vents trop violents, apaisant le regard en le troublant. Il est, dit-on, de pieux mensonges. Le temps qui coule comme un fleuve avait besoin de ces demi-tons.

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