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Des espoirs

Du 28 février au 17 mars 2023
Trio Show Lucie Geffré, Jean-François Galey Sand et Tayeb Belbachir
Lucie Geffré pratique la peinture comme un musicien jouerait de la musique de chambre. Son art ne souffre pas d’à peu-près. Sa technique est parfaite. Sa palette est cohérente, souvent vive, mais par trouées. L’ombre est une part intégrante de sa composition, comme un deuxième personnage qui accompagne en permanence les choses et les êtres de ce monde. Et toutes ses peintures sont si proches de leurs sujets qu’on semble plonger dans leur intimité, dans leurs pensées secrètes, dans leurs désespoirs inavoués, dans leurs espoirs les plus lumineux. Qu’il s’agisse de personnes, d’objets ou d’animaux, le sentiment est le même. Le sujet est intensément présent, mais parfaitement immobile, à cette frontière de la conscience où seul le silence et le calme restent possibles.
Ses peintures sont profondément relationnelles. On rêve de s’enfermer dans une belle pièce boisée et à peine éclairée, et de méditer sur le sens de ces regards, de ces absences, de ces êtres à la fois si denses et comme esquissés.
Ces toiles tissent un lien magique entre le présent et toute la somme des passés dont nous sommes constitués. La transmission, certes, mais surtout la décantation de la vie, ce qui reste parce que c’est sublime donc douloureux, beau donc insaisissable. L’impossible lisibilité du dessein du destin, de la trajectoire des êtres, pour seul refuge. Comme une peinture toujours inachevée.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucie_Geffr%C3%A9
Jean-François Galey Sand peint lui aussi un passé qui ne passe pas, avec une élégance surannée et un esprit fin et souvent taquin, et infiniment de sensualité. Ce passé douloureux dont on caresse chaque jour secrètement la blessure inguérissable, qu’on aime à sa juste valeur car elle fait survivre une part de ce qui a été, ou le plus souvent, de ce qui aurait pu advenir si les êtres n’étaient pas si fuyants et résolus à gâcher leur vie. Bien sûr ces choses-là sont tues, parfois pour toujours. Mais leur force noire imprègne le quotidien comme un négatif photographique superposé sur des scènes supposément gaies et colorées. Mais ce n’est pas triste. Plutôt stoïque : aucun espoir, pour ne plus souffrir, parce que c’est terminé de toute façon, irrécupérable et accepté comme tel. On ne sait pas si la Beauté sauvera le monde, mais Jean-François Galey Sand a décidé qu’elle sauvera le sien. Tel qu’il est. Et cette lucidité est belle, en soi.
Jeune artiste il fut abstrait, présenté dès 1986 à la Fiac. Un passage obligé. Mais son cœur était ailleurs, dans la pénombre des Musées des Beaux-Arts où la peinture ancienne jetait ses feux éteints – et à l’époque dédaignés par le gratin mondain, jamais en retard d’une ineptie. Cette peinture des maîtres, il a fait le tour du monde pour la savourer et en percer quelques secrets, la profondeur, le fondu de la touche, l’iridescence moirée des couleurs.
Jean-François Galey Sand peint des scènes de genre universelles et qui pourtant racontent sa vie. Des instantanés, parfois de format polaroïd, qui sont les pages d’un journal intime et qui le restera. S’il s’avait écrire, il ne peindrait peut-être pas. Mais beaucoup d’épisodes de la vie étant indicibles, c’est une bénédiction d’évoquer sans décrire.
Peintre | France | Jeanfrançoisgaleysand.com (jeanfrancoisgaleysand.com)
Tayeb Belbachir aime les femmes et le bois. Ou plutôt les bois, leurs nervures, leurs couleurs, leur odeur, leur toucher. Une tradition ancestrale dans sa famille de bûcherons du Haut Atlas algérien. Il les aimait tellement qu’il en a fait son métier. Paysagiste. Durant toute son activité, il a pu récolter ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler sinistrement des « déchêts verts », comme si la Nature, même morte, pouvait être un rebut. De ces branches, ces souches négligées par ses clients, souvent des bois rares ou devenus tels, il a fait son trésor. L’a protégé des années durant dans son atelier, en attendant de lui trouver un usage.
Tayeb Belbachir, dont la sensibilité est exacerbée, s’exprime de longue date dans ses collages, ou ses sculptures conçues comme des assemblages d’éléments naturels évocateurs et de pièces non identifiables généralement métalliques.
Mais le désir de rendre hommage à la beauté des femmes, toujours renouvelée, à leurs formes, leurs courbes, leur port et leur élégance, à l’ombre qu’elles laissent planer sur une vie d’homme amoureux et sensuel lorsqu’elles partent, tout cela l’a conduit à pratiquer réellement la sculpture dans ces bois qu’il connaît sur le bout des doigts. Polies jusqu’à la douceur de la soie, légères comme des pensées fugaces, toutes courbes et nervures, couleurs et complexion, allure et plénitude, ses femmes s’incarnent et s’expriment silencieusement dans ces essences aux noms de dictionnaire de botanique, si poétiques, et qu’il retrouve en un clin d’œil comme d’autres savent le nom des couleurs les plus rares.
Ensemble, les femmes de Tayeb Belbachir évoquent une gigantesque prière des corps, une aspiration à la danse, aux mouvements libérés et gracieux, forts aussi, dans un ballet silencieux où chacune a sa place, unique, irremplaçable. Il les photographie, systématiquement avec leur ombre, dans laquelle il peut projeter le souvenir des femmes aimées, croisées, connues ou admirées, ou tout simplement rêvées.